ETERNITY AND A DAY
MESUT ÖZTÜRK
3 NOV. > 2 DEC. 2023
Mesut Öztürk se repose sur ses fondations d’architecte, mué en artiste, pour explorer plus loin la composition des formes, délaissant l’utilitarisme de l’objet pour mieux embrasser sa poésie.
Mesut, fasciné, façonne la céramique, son matériau de prédilection depuis l’enfance, dont la primitivité lui permet une connexion avec d’anciens temps, ceux de l’Anatolie dont il aime raviver la beauté des poteries, et reconstruire les arches des églises byzantines et des mosquées ottomanes d’Istanbul.
Dans sa série Revak, mot qui désigne les portiques arqués, Mesut invoque et transpose le génie structurel de l’architecte turc du 16ème siècle Sinan, vers une abstraction contemporaine dont émerge un goût d’intemporalité, d’éternité. Il érige ainsi autant de ponts entre les humanités d’hier et d’aujourd’hui.
Peu à peu, les arches solides sont devenues dans sa série Knot (nœud) des lignes moins certaines et plus fluctuantes, testant les limites de l’architecture et de l’équilibre entre la matière et le vide. D’abord lignes ininterrompues, établissant une continuité complexe et insistant encore sur le lien entre les humanités, elles forment ensuite des constellations abstraites - dans lesquelles nous cherchons de la figuration, tout comme nos ancêtres voulaient voir dans le ciel étoilé la figuration de symboles porteurs de sens - dont les éléments épars sont assemblés avec tiges métalliques, vis, cordes, colliers de serrage en plastique, pinces, autant de liens fragiles qui défient les lois de la sculpture en même temps qu’ils attachent ensemble les notions d’éternité et d’éphémérité.
Mesut pousse même ce questionnement jusqu’à un paroxysme, lorsqu’il assemble des objets du quotidien sans plus aucun lien, simplement par un équilibre si fragile et éphémère que les œuvres en deviennent inexposables et ne peuvent être immortalisées que par la photographie, comme un instant volé, sitôt envolé.
L’œuvre sculpturale de Mesut est ainsi une balance entre l’éternité et l’instant, entre la perpétuation et la rupture du continuum humain, et nous relie à un passé séculaire de l’humanité autant qu’elle nous confronte à l’asthénie de notre présent et à l’axiome de plus en plus fragile de notre survivance dans l’avenir comme si, comme le héros du film L’Éternité et un jour du cinéaste grec Theo Angelopoulos, il ne nous restait plus qu’un seul jour à vivre.
Aurélien Simon